- 15 déc. 2025
- Élise Marivaux
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Les infections fongiques de la peau sont bien plus courantes qu’on ne le pense. Dans le monde, une personne sur quatre souffre d’une mycose à un moment donné. Ce ne sont pas des maladies rares ou dangereuses en soi, mais elles sont persistantes, souvent mal diagnostiquées, et peuvent devenir un vrai cauchemar si on ne les traite pas bien. Deux types dominent : les infections causées par la teigne (dermatophytose) et celles dues à Candida. Les traitements existent, mais ils ne marchent pas tous pareil. Et le pire ? On les confond souvent avec de l’eczéma ou du psoriasis.
Qu’est-ce que la teigne ?
La teigne, ou tinea, n’a rien à voir avec un ver. Le nom vient d’une ancienne croyance : les lésions en forme d’anneau ressemblaient à un ver qui se tortillait sous la peau. En réalité, c’est un champignon microscopique, souvent du Trichophyton, qui se nourrit de kératine - cette protéine qui compose la peau, les cheveux et les ongles. Il aime les endroits chauds et humides : entre les orteils, sous les aisselles, dans le pli de l’aine. On la retrouve aussi sur le cuir chevelu chez les enfants, ou sous les ongles.
Le signe le plus typique ? Une plaque ronde, rouge, avec un bord légèrement surélevé, squameux, et un centre qui s’éclaircit. C’est ça, la « couronne » qui donne son nom à la maladie. Chez les enfants, la teigne du cuir chevelu peut entraîner des plaques de perte de cheveux. Chez les adultes, la teigne des pieds (pied d’athlète) est très fréquente - surtout chez ceux qui portent des chaussures fermées, qui transpirent beaucoup, ou qui marchent pieds nus dans les vestiaires. Selon l’International Society for Human and Animal Mycology, 15 % de la population mondiale en souffre, et jusqu’à 30 % chez les plus de 60 ans.
Candida : quand les levures prennent le dessus
Contrairement à la teigne, Candida n’est pas un champignon externe. C’est un organisme que nous portons naturellement - dans la bouche, l’intestin, les muqueuses vaginales. Il devient problématique quand il se multiplie trop. Cela arrive quand l’équilibre de notre microbiote est perturbé : après un antibiotique, en cas de diabète non contrôlé, ou simplement parce que la peau reste humide trop longtemps. Les plis cutanés - sous les seins, dans le pli de l’aine, entre les doigts - sont des terrains de choix.
Les lésions de Candida ne ressemblent pas à celles de la teigne. Elles sont rouges vif, brillantes, parfois humides, avec des petits boutons rouges autour (appelés « satellites »). Chez les bébés, c’est la candidose du pli de la couche : une éruption rouge vif qui ne répond pas aux crèmes classiques pour érythème fessier. Chez les femmes, les récidives vaginales sont fréquentes. Et oui, certaines personnes rapportent sur les forums qu’elles ont moins de récidives en prenant des probiotiques à base de Lactobacillus. Une étude sur 850 personnes en 2023 a montré que 65 % ont vu une amélioration en combinant antifongiques et probiotiques.
Comment savoir ce qu’on a ?
Les médecins généralistes se trompent dans la moitié des cas. Une étude de 2022 a montré qu’ils identifient correctement la teigne dans seulement 50 à 60 % des cas. Les dermatologues, eux, réussissent dans 85 à 90 % des cas. Pourquoi ? Parce qu’il faut connaître les subtilités. Une plaque rouge avec des squames peut être une teigne, un eczéma, ou même un psoriasis. La teigne a un bord net, une croissance en cercle. Candida a des satellites et une texture humide.
Le test le plus simple ? Le prélèvement avec KOH. Le médecin gratte légèrement la lésion, met la peau sur une lame, ajoute une goutte d’hydroxyde de potassium, et observe au microscope. S’il voit des filaments ou des levures, c’est confirmé. Ce test est positif dans 70 à 80 % des cas. Si le résultat est douteux, on fait une culture - mais il faut attendre 2 à 4 semaines. Depuis 2020, les tests moléculaires (PCR) sont de plus en plus utilisés : plus rapides, plus précis. Mais ils ne sont pas encore accessibles partout.
Les traitements : topiques ou oraux ?
Les antifongiques existent en crème, en spray, en comprimé. Le choix dépend de l’endroit, de la gravité, et de la durée.
Pour la teigne du corps ou de l’aine : une crème comme terbinafine (Lamisil) ou clotrimazole (Lotrimin) appliquée deux fois par jour pendant 1 à 4 semaines suffit dans 70 à 90 % des cas. Le traitement doit continuer même après la disparition des symptômes - sinon, ça revient. Un patient sur trois relève des récidives parce qu’il a arrêté trop tôt.
Pour les ongles : c’est une autre histoire. Les crèmes ne pénètrent pas assez. Il faut des comprimés. Terbinafine prise une fois par jour pendant 6 à 12 semaines. Le taux de guérison est de 80 %, mais il faut surveiller le foie : 1 à 2 % des patients ont une élévation transitoire des enzymes hépatiques. Les nouveaux antifongiques comme l’ibrexafungerp (approuvé par la FDA en avril 2023) sont prometteurs pour les candidoses récidivantes, surtout vaginales. Il réduit les récidives de 50 % sur 48 semaines.
Pour Candida : les crèmes à base d’azoles (clotrimazole, miconazole) ou de nystatine marchent bien en 1 à 2 semaines. Pour les cas récurrents ou profonds, on passe à la fluconazole par voie orale. Mais attention : la résistance à la fluconazole augmente. Des souches comme Candida auris sont maintenant détectées dans 27 États américains. Elles résistent à plusieurs antifongiques à la fois. Ce n’est pas encore un fléau en France, mais c’est une alerte mondiale.
Les erreurs à ne pas commettre
Voici ce que font beaucoup de gens - et ce qui fait échouer le traitement :
- Appliquer une crème contre l’eczéma sur une teigne : ça aggrave tout. Les corticoïdes font proliférer le champignon.
- Arrêter le traitement dès que ça va mieux : les champignons survivent en dormance. Ils reviennent.
- Ne pas sécher les plis après la douche : l’humidité est leur meilleure amie.
- Partager les serviettes, les chaussures, les peignes : la teigne est contagieuse. Elle se transmet aussi par les animaux - surtout les chats et les chiens chez les enfants.
La plupart des infections de la peau sont bénignes. Mais elles sont aussi très contagieuses. Et elles peuvent devenir chroniques si on les ignore. La clé ? Ne pas hésiter à consulter. Si une éruption ne part pas en 2 semaines avec une crème en vente libre, c’est qu’il faut autre chose.
Le futur des traitements
Le marché mondial des antifongiques vaut 14,7 milliards de dollars. Et il grandit. Pourquoi ? Parce que les champignons apprennent à résister. L’Organisation mondiale de la santé a publié en 2022 une liste des pathogènes fongiques les plus urgents à combattre. Des nouvelles molécules sont en essais cliniques, comme l’olorofim. Et la recherche sur le microbiome cutané prend de l’ampleur. Le NIH a alloué 32 millions de dollars en 2023 pour étudier comment les bactéries de la peau peuvent empêcher les champignons de s’installer.
En attendant, le meilleur outil reste la prévention : garder la peau sèche, changer de sous-vêtements quotidiennement, éviter les chaussures trop serrées, et ne pas négliger une éruption qui persiste. Ce n’est pas juste une question de beauté. C’est une question de santé.
Comment distinguer une teigne d’un eczéma ?
La teigne se présente souvent comme une plaque ronde, rouge, avec un bord surélevé et squameux, et un centre qui s’éclaircit. L’eczéma, lui, est plus irrégulier, plus sec, avec des démangeaisons intenses, mais sans bord net ni croissance en cercle. Les corticoïdes soulagent l’eczéma, mais aggravent la teigne. Si une crème pour eczéma ne fait pas d’effet en 7 jours, pensez à une mycose.
Les antifongiques en vente libre sont-ils efficaces ?
Oui, pour les infections légères comme la teigne du corps ou les candidoses superficielles. Les crèmes à base de terbinafine ou de clotrimazole ont des taux de guérison de 70 à 90 %. Mais elles ne marchent pas sur les ongles, ni sur les infections profondes. Si après 2 semaines d’application régulière, rien ne change, consultez un médecin.
Pourquoi les infections fongiques reviennent-elles ?
Trois raisons principales : le traitement a été arrêté trop tôt, l’hygiène n’est pas suffisante (humidité, vêtements sales), ou le terrain est propice (diabète, immunodépression). Dans 35 % des cas, les patients rapportent des récidives. Pour les éviter, il faut traiter la cause sous-jacente et continuer le traitement même après la disparition des symptômes.
Les probiotiques aident-ils contre les mycoses ?
Pour les candidoses récidivantes, notamment vaginales, oui. Une enquête de 2023 sur 850 personnes a montré que 65 % ont eu moins de récidives en combinant un antifongique avec un probiotique à base de Lactobacillus. Ce n’est pas un traitement à lui seul, mais un bon complément pour rétablir l’équilibre du microbiote.
Faut-il faire une analyse de sang pour diagnostiquer une mycose ?
Non. Les infections de la peau se diagnostiquent par examen clinique et prélèvement de la peau (KOH ou culture). Les analyses de sang ne servent qu’en cas de suspicion d’infection systémique, ce qui est très rare pour les mycoses cutanées. Ne perdez pas votre temps ni votre argent en analyses inutiles.