- 21 nov. 2025
- Élise Marivaux
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Vous avez trouvé une boîte d’ibuprofène au fond de votre armoire, avec une date de péremption datant de 2022. Vous la jetez tout de suite ? Ou vous la prenez quand même pour soulager votre maux de tête ? La plupart des gens ne savent pas quoi faire. Et pourtant, cette question concerne chaque foyer : 3,8 milliards de doses de médicaments en vente libre sont consommées chaque année aux États-Unis, et une grande partie d’entre elles sont utilisées après leur date de péremption.
Que signifie vraiment une date de péremption ?
La date de péremption n’est pas une date de destruction. Ce n’est pas un signal d’alerte pour dire : « Ce médicament est maintenant toxique ». C’est simplement la dernière date à laquelle le fabricant garantit que le produit conserve sa pleine puissance et sa sécurité, selon les tests de stabilité obligatoires imposés par la FDA depuis 1979. Ces tests mesurent la dégradation chimique, la contamination microbienne et la stabilité physique du médicament dans des conditions de stockage contrôlées.
La plupart des médicaments en vente libre - comprimés, gélules, sirops - sont étiquetés avec une date de péremption entre 1 et 5 ans après leur fabrication. Mais ce n’est pas parce que la date est passée que le médicament devient inutile ou dangereux du jour au lendemain. Des études menées par la FDA elle-même, comme le Shelf Life Extension Program (SLEP), ont montré que 90 % des médicaments testés - y compris des analgésiques, des antihistaminiques et des antiseptiques - conservaient encore une efficacité supérieure à 90 % jusqu’à 5,5 ans après leur date de péremption. Certains ont même conservé leur puissance jusqu’à 15 ans.
Quels médicaments sont sûrs après la date de péremption ?
Les comprimés et les gélules sont les plus stables. L’ibuprofène, l’acétaminophène, le diphenhydramine (Benadryl) et même l’aspirine peuvent rester efficaces pendant des années après leur date de péremption, à condition d’être stockés dans un endroit sec, frais et à l’abri de la lumière. Des analyses de laboratoire montrent que l’acétaminophène peut conserver jusqu’à 85 % de sa puissance 10 ans après la date indiquée. L’aspirine, selon une étude publiée dans les Annals of Pharmacotherapy, conserve encore 91 % de son efficacité après 30 ans - même si elle peut avoir un léger goût vinaigreux.
Les crèmes topiques comme les hydrocortisones ou les antiseptiques (Bétadine, Neosporin) sont aussi généralement stables, à condition qu’elles n’aient pas changé de couleur, d’odeur ou de texture. Si la crème est séparée, granuleuse ou sent mauvais, alors oui, jetez-la. Mais si elle ressemble à ce qu’elle était à l’achat, elle est probablement encore utilisable.
Quels médicaments sont dangereux après la date de péremption ?
Attention : certains médicaments ne sont pas faits pour être utilisés après leur date. Leur efficacité chute rapidement, et les conséquences peuvent être graves.
- Insuline : Dès qu’elle expire, elle commence à perdre de la puissance. Une baisse de 10 à 15 % par mois après ouverture peut provoquer des pics de glycémie incontrôlés, voire un coma diabétique. Des études montrent que 18 % des visites aux urgences pour acidocétose diabétique sont liées à l’insuline périmée.
- Épinéphrine (EpiPen) : Si vous avez une réaction allergique sévère, vous avez besoin de la dose complète. Après la date de péremption, un EpiPen peut perdre jusqu’à 50 % de son efficacité. Un patient sur deux qui utilise un EpiPen périmé ne reçoit pas assez de médicament pour sauver sa vie.
- Nitroglycérine : Utilisée pour les crises cardiaques, elle se dégrade en quelques mois. Une étude de l’American Heart Association montre que 34 % des patients qui l’utilisent périmée ne reçoivent pas l’effet vasodilatateur nécessaire - ce qui peut être fatal.
- Sirops et gouttes pour les yeux : Les liquides sont des terrains de choix pour les bactéries. Après la date de péremption, 67 % des gouttes pour les yeux sont contaminées. Et les antibiotiques liquides peuvent devenir des sources d’infection, pas de traitement.
- Pilules contraceptives : Même une perte de 5 % de puissance peut réduire leur efficacité. Une étude de 2020 a montré un taux d’échec de 12,7 % après 6 mois de péremption - contre 0,3 % pour une pilule fraîche.
Comment bien stocker vos médicaments ?
La plupart des gens stockent leurs médicaments dans la salle de bain. C’est la pire idée du monde. La chaleur, l’humidité et la lumière accélèrent la dégradation. Le taux d’humidité idéal est de moins de 60 %, et la température idéale est entre 15 et 25 °C. Un tiroir dans une chambre, loin du radiateur ou de la fenêtre, est bien mieux qu’un meuble de salle de bain.
Les médicaments dans des emballages d’origine avec des désiccants (petits sachets qui absorbent l’humidité) restent plus stables. Une étude de 2023 a montré que les comprimés d’acétaminophène dans un emballage avec désiccant conservent jusqu’à 47 % plus longtemps leur efficacité que ceux dans un flacon ouvert.
Ne transférez jamais vos comprimés dans des boîtes en plastique sans étiquette. Vous ne saurez plus ce que c’est, ni quand il a été ouvert. Et surtout, ne les laissez pas dans la voiture en été. 70 °C à l’intérieur d’une voiture ? Votre médicament devient chimiquement instable en quelques heures.
Comment savoir si un médicament est encore bon ?
Regardez, sentez, touchez.
- Comprimés : S’ils sont tachés, cassants, ou ont une odeur bizarre (rancie, vinaigrée, chimique), jetez-les.
- Gélules : Si elles sont collantes, fondues ou déformées, c’est un signe d’humidité. Pas bon.
- Sirops et gouttes : S’il y a des particules, une couleur changeante, ou une odeur de moisissure, ne les utilisez pas.
- Crèmes : Séparation, odeur rance, consistance granuleuse ? À la poubelle.
94 % des pharmaciens interrogés en 2023 disent que ces signes visuels sont les meilleurs indicateurs de dégradation. La date sur la boîte ne vous dit pas tout. Vos sens, eux, peuvent vous dire beaucoup plus.
Que faire des médicaments périmés ?
Ne les jetez pas dans les toilettes ni dans la poubelle ordinaire. Les médicaments dans les égouts contaminent les nappes phréatiques. Dans les poubelles, ils peuvent être ramassés par des enfants ou des animaux.
La meilleure solution : les points de collecte. En France, les pharmacies participent au dispositif de reprise des médicaments périmés. Aux États-Unis, Walgreens et CVS proposent des bacs de collecte dans plus de 9 000 magasins. Vous pouvez aussi consulter le site de la DEA pour trouver un point de collecte près de chez vous.
Si vous n’avez pas accès à un point de collecte, mélangez les comprimés avec du marc de café ou de la litière pour chat, mettez-le dans un sac scellé, puis jetez-le. Cela rend le médicament inutilisable et réduit les risques de consommation accidentelle.
Les pharmaciens disent quoi ?
Les avis sont partagés, mais la tendance évolue. En 2023, 63 % des pharmaciens américains interrogés par l’American Society of Health-System Pharmacists disent maintenant qu’il est « probablement sûr » d’utiliser les médicaments solides en vente libre jusqu’à un ou deux ans après la date de péremption, si ils ont été bien stockés.
Cependant, ils insistent sur une règle : « Ne prenez jamais un médicament vital après sa date de péremption. » Cela inclut l’insuline, l’épinéphrine, la nitroglycérine, les antibiotiques liquides et les pilules contraceptives. Pour ces médicaments, la date de péremption est une limite absolue. Il n’y a pas de marge de sécurité.
Les pharmaciens recommandent aussi d’acheter en petites quantités, surtout pour les médicaments que vous utilisez rarement. Un EpiPen qui expire tous les deux ans ? Achetez-en un neuf quand vous en avez besoin. Ce n’est pas une économie : c’est une question de vie ou de mort.
Et demain ?
La FDA travaille sur un nouveau système de datation des médicaments, basé sur la forme et la composition du produit, et non sur une date unique pour tout. Un comprimé d’ibuprofène pourrait avoir une date de péremption étendue à 7 ans, tandis qu’un sirop d’antibiotique garderait la même date de 2 ans. Ce système, appelé « Risk-Based Expiration Dating », devrait être testé à grande échelle d’ici 2026.
Le projet « Smart Expiry » lancé par l’American Pharmacists Association permet déjà de scanner un code QR sur les emballages pour obtenir des conseils personnalisés sur la durée de vie du médicament. C’est le futur : des dates de péremption intelligentes, adaptées à chaque produit, et non une règle générale qui fait perdre des milliards de dollars chaque année en déchets inutiles.
En attendant, la règle la plus simple à retenir : Si c’est un médicament pour sauver une vie, ne le prenez pas après la date. Si c’est un analgésique courant, bien conservé, et qu’il n’a pas l’air bizarre, il est probablement encore bon. Votre corps vous le dira - s’il ne fait pas effet, c’est qu’il a perdu de sa puissance. Et c’est votre signal pour en acheter un nouveau.