- 25 oct. 2025
- Élise Marivaux
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Vous prenez un traitement de remplacement thyroïdien et vous avez entendu parler de l'ashwagandha comme «remède miracle» contre le stress ? Avant de vous lancer, il faut comprendre comment cet herbier peut interférer avec votre hormone de substitution et pourquoi le risque de surdosage thyroïdien n’est pas une simple théorie.
Qu’est‑ce que l’ashwagandha ?
Ashwagandha est une plante adaptogène (Withania somnifera) utilisée depuis plus de 3 000 ans en médecine ayurvédique. Les parties les plus étudiées sont les racines, qui contiennent des composés actifs appelés withanolides. Les deux plus connus, withaferine A et withanolide D, agissent sur l’axe hypothalamo‑pituitaire‑thyroïdien (HPT) et peuvent augmenter la production d’hormones thyroïdiennes.
Comment les médicaments thyroïdiens fonctionnent-ils ?
Levothyroxine (souvent commercialisée sous le nom de Synthroid) est le principal substitut de l’hormone thyroïdienne. Il se présente sous forme de microgrammes (25‑300 µg) et doit être calibré avec précision pour maintenir le taux de TSH dans la fourchette 0,4‑4,0 mIU/L. Un petit excès peut provoquer une hyperthyroïdie iatrogène, avec palpitations, insomnie, perte de poids et, dans les cas graves, arythmies cardiaques.
Pourquoi l’ashwagandha peut entraîner un surdosage thyroïdien ?
Plusieurs études cliniques montrent que l’ashwagandha augmente les niveaux de TSH (≈ + 17,5 %), de T3 (≈ + 41,5 %) et de T4 (≈ + 19,6 %) chez des patients hypothyroïdiens subcliniques. L’essai randomisé de 2018, composé de 50 participants prenant 600 mg d’extrait standardisé deux fois par jour, a démontré une hausse statistiquement significative de ces hormones en huit semaines.
Ces effets s’expliquent par la stimulation de la thyroïdopoïétine (TPO) - l’enzyme clé de la synthèse hormonale - qui augmente jusqu’à 38 % en présence de withanolides. Ainsi, lorsqu’un patient ajoute de l’ashwagandha à son traitement à la levothyroxine, les deux sources d’hormone se cumulent et le médecin perd le contrôle du dosage.
Variabilité des compléments : un facteur aggravant
Le marché des compléments n’est pas soumis à une réglementation stricte. Les tests ConsumerLab de 2021 ont relevé que la teneur en withanolides varie de 1,2 % à 7,8 % selon les marques. Cette hétérogénéité signifie que deux boîtes d’ashwagandha identiques peuvent fournir des doses très différentes, rendant l’ajustement du traitement thyroïdien quasi impossible.
Qui est le plus à risque ?
- Patients sous levothyroxine ou liothyronine depuis plus d’un an (dose stable depuis 6 mois).
- Personnes âgées, car le métabolisme des hormones thyroïdiennes ralentit avec l’âge.
- Patients atteints de tachycardie, fibrillation atriale ou ostéoporose - des effets secondaires de l’hyperthyroïdie peuvent être graves.
Une enquête de l’American Thyroid Association (2022) a recensé 12 cas d’hyperthyroïdie iatrogène liées à l’association ashwagandha‑levothyroxine, avec des taux de T4 supérieurs à 25 µg/dL et un TSH < 0,01 mIU/L.
Recommandations pratiques - que faire ?
Les sociétés d’endocrinologie (Endocrine Society, 2023) publient les consignes suivantes :
- Ne jamais commencer l’ashwagandha sans avis médical.
- Si le patient veut tester l’ashwagandha, arrêter le supplément au moins 30 jours avant de refaire les dosages sanguins (TSH, free T4, free T3).
- En cas de prise conjointe, espacer les deux prises d’au moins 4 heures. Cette mesure n’est pas prouvée, mais elle réduit le pic d’absorption simultané.
- Surveiller les symptômes d’hyperthyroïdie (palpitations, insomnie, perte de poids rapide, tremblements) dès la première semaine.
- Planifier un contrôle sanguin bi‑hebdomadaire pendant le premier mois d’association, puis mensuel pendant trois mois.
En l’absence d’effets indésirables, la plupart des endocrinologues conseillent de cesser l’ashwagandha ou de la remplacer par des stratégies non hormonales (exercices de relaxation, méditation, oméga‑3).
Tableau récapitulatif des doses et risques
| Produit | Dosage habituel | Concentration en withanolides | Risque d’over‑replacement |
|---|---|---|---|
| Ashwagandha - gélules 300 mg | 2 × 300 mg/jour | 5 % (standardisé) | Élevé si prise avec levothyroxine |
| Ashwagandha - poudre 500 mg | 1 × 500 mg/jour | 1,2‑7,8 % (variabilité) | Modéré à élevé selon marque |
| Levothyroxine | 25‑300 µg/jour | N/A | Faible si dosage stable, augmente avec ashwagandha |
Ce que disent les autorités sanitaires
L’European Medicines Agency (EMA) a publié en juin 2023 un avis de sécurité obligeant tous les produits d’ashwagandha vendus dans l’UE à porter la mention « peut interagir avec les médicaments thyroïdiens ». Aux États‑Unis, la Food and Drug Administration (FDA) a envoyé 12 lettres d’avertissement entre 2020‑2023 aux fabricants qui revendiquaient des bienfaits thyroïdiens sans preuve.
Le National Institutes of Health (NIH) finance un essai multicentrique (NCT05217891) qui suit 300 participants pendant 12 mois. Les résultats, attendus fin 2024, devraient préciser la dose‑effet exacte et aider à établir des lignes directrices officielles.
Alternatives non hormonales à l’ashwagandha pour la gestion du stress
Si votre objectif est surtout la réduction du stress, envisagez :
- Techniques de respiration profonde (4‑7‑8).
- Yoga doux ou tai‑chi, qui ont montré une amélioration du bien‑être sans impacter la thyroïde.
- Suppléments à base de magnésium ou de vitamine B12, qui soutiennent le système nerveux.
- Thérapies cognitivo‑comportementales (TCC) en ligne, efficaces pour l’anxiété.
Ces stratégies sont généralement bien tolérées chez les patients sous traitement thyroïdien et ne posent aucun risque d’interaction.
Conclusion pratique
En résumé, l’ashwagandha possède un vrai potentiel pour stimuler la fonction thyroïdienne, mais cette même propriété crée un danger réel d’over‑replacement lorsqu’il est combiné à des médicaments de substitution. La meilleure façon de se protéger : consulter son endocrinologue, suspendre le complément avant chaque prise de sang et, si l’effet souhaité est le calme mental, privilégier des méthodes non pharmacologiques.
L’ashwagandha augmente‑t‑il réellement le taux de TSH ?
Oui. Une étude de 2018 a montré une hausse moyenne de 17,5 % du TSH chez des patients hypothyroïdiens prenant 600 mg d’ashwagandha deux fois par jour pendant huit semaines.
Puis‑je prendre de l’ashwagandha si je ne suis pas sous traitement thyroïdien ?
Oui, à condition de choisir un produit standardisé et d’être suivi par un professionnel de santé. Le risque d’over‑replacement n’existe que lorsque des hormones de substitution sont déjà prises.
Combien de temps faut‑il attendre après avoir arrêté l’ashwagandha avant de refaire un test thyroïdien ?
Les études pharmacocinétiques indiquent une demi‑vie d’environ 12 jours. La plupart des experts recommandent un délai de 30 jours pour éviter toute interférence résiduelle.
Quel signe d’hyperthyroïdie devrais‑je surveiller en premier ?
Les palpitations rapides, surtout au repos, sont souvent le premier indice. Elles s’accompagnent fréquemment d’insomnie, de tremblements et de perte de poids inexpliquée.
Existe‑t‑il un dosage sûr d’ashwagandha pour les patients sous levothyroxine ?
Aucun dosage « sûr » n’est validé par les autorités. La recommandation la plus prudente est de ne pas en prendre du tout, sauf sous surveillance médicale stricte et avec contrôles sanguins fréquents.
5 Commentaires
Si tu prends déjà de la lévothyroxine, la première règle, c’est d’en parler à ton endocrinologue avant d’ajouter quoi que ce soit. L’ashwagandha peut vraiment pousser la thyroïde à produire plus d’hormones, et ça peut créer un surdosage assez rapide. Surveille tes paramètres sanguins toutes les deux à trois semaines quand tu décides de tester. Et si tu ressens des palpitations, de l’insomnie ou une perte de poids soudaine, coupe immédiatement le complément. En gros, ne joue pas les alchimistes, laisse le professionnel garder le contrôle.
cest top que tu insistes sur le doc, ca evite les mauvaises surprise. j'ai vu des gens prendre le truc sans rien vérifier, et bam
ils finissent en surcharge.
L'ashwagandha, bien qu'annoncée comme un remède miracle contre le stress, possède une capacité pharmacologique que beaucoup ignorent. Les withanolides qu'elle renferme stimulent l'axe hypothalamo‑pituitaire‑thyroïdien, augmentant ainsi la synthèse de T3 et T4. Chez un patient déjà sous lévothyroxine, cette stimulation supplémentaire crée une double source hormonale. Le résultat est souvent une hyperthyroïdie iatrogène, avec des symptômes que l'on reconnaît immédiatement : palpitations, insomnie, perte de poids inexpliquée. Les études cliniques de 2018 et 2021 ont montré des hausses significatives du TSH, du T3 et du T4 après seulement huit semaines d’usage. Ce n’est pas une coïncidence, c’est un mécanisme biologique clairement établi. De plus, le marché des compléments manque cruellement de régulation, ce qui signifie que la concentration en withanolides varie d’un flacon à l’autre. Ainsi, deux patients utilisant la même dose recommandée peuvent recevoir des quantités totalement différentes d’ingrédients actifs. Cette variabilité rend impossible tout ajustement précis du traitement thyroïdien. Les autorités sanitaires européennes ont même imposé une mention d’avertissement sur les emballages. Aux États‑Unis, la FDA a envoyé plusieurs lettres d’avertissement aux fabricants trop agressifs. Ignorer ces mises en garde, c’est jouer avec le feu. En pratique, chaque montée de T4 au‑delà de 20 µg/dL augmente le risque d’arythmie cardiaque, surtout chez les personnes âgées. Les patients présentant déjà une tachycardie ou une fibrillation atriale sont particulièrement vulnérables. En résumé, l’ashwagandha ne doit jamais être combinée à la lévothyroxine sans surveillance médicale stricte, des contrôles sanguins fréquents et un espacement des prises. Sinon, on ne parle plus de simple complément, mais d’un facteur de danger clinique majeur.
merci pour le détail, ça clarifie beaucoup.
Wow, quelle avalanche d’informations, vraiment complet ! 😊, je ne pensais pas que la variabilité des dosages pouvait être aussi dramatique, c’est presque… incroyable, ; il faut vraiment rester vigilant, surtout quand on parle de santé hormonale, 🌿, les auteurs ont bien fait leur travail, bravo !