- 25 nov. 2025
- Élise Marivaux
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Vous voyagez en Europe, en Asie ou en Amérique du Sud, et soudain, vous avez un malaise. Votre cœur bat trop vite. Vous ne pouvez pas respirer. Vous ne savez pas où vous êtes. Et vous ne pouvez pas parler la langue du médecin qui vous regarde. Ce n’est pas une scène de film. C’est une réalité pour des millions de voyageurs chaque année. La solution la plus simple, la plus efficace, et souvent la plus sous-estimée ? Une liste de médicaments en plusieurs langues. Pas une note sur votre téléphone. Pas un morceau de papier avec des noms écrits à la main. Une liste claire, imprimée, traduite, et prête à être montrée en moins de 10 secondes.
Pourquoi une liste de médicaments en plusieurs langues est vitale
Les erreurs de médication en urgence sont plus fréquentes qu’on ne le pense. Une étude publiée dans JAMA Internal Medicine en 2020 montre que les patients qui ne peuvent pas communiquer leur traitement ont 28 % plus de chances de se voir prescrire un médicament en contradiction avec ce qu’ils prennent déjà. Dans les services d’urgence, chaque minute compte. Si vous êtes inconscient, ou trop malade pour parler, le personnel médical doit deviner. Et deviner avec des médicaments, c’est risquer la mort.
En France, 15 % des patients étrangers arrivent à l’hôpital sans aucune information sur leurs traitements. En 2022, un patient chinois à Lyon a failli subir une réaction allergique mortelle parce que le médecin n’a pas compris qu’il prenait du dan shen, une herbe traditionnelle. Ce n’était pas sur sa liste - parce qu’il n’en avait pas.
Les listes multilingues ne sont pas un luxe. Elles sont un outil de survie. Elles réduisent le temps d’attente dans les urgences de 22 minutes en moyenne, selon l’Association américaine des pharmaciens. C’est le temps entre la vie et la mort pour une crise cardiaque, un AVC, ou une réaction allergique sévère.
Les éléments essentiels d’une liste de médicaments
Une bonne liste ne se contente pas de noter les noms des médicaments. Elle donne les informations que le médecin a besoin pour agir rapidement. Voici ce qu’elle doit contenir, dans cet ordre :
- Nom du médicament : le nom commercial (ex. : Amoxicilline) et le nom générique (ex. : amoxicilline)
- Dosage : combien de milligrammes (mg) ou de microgrammes (mcg) ?
- Fréquence : une fois par jour ? Deux fois ? Après les repas ?
- But du traitement : pour la tension ? Pour le diabète ? Pour la dépression ?
- Médecin prescripteur : nom, téléphone, cabinet
- Date de début : quand avez-vous commencé ce traitement ?
Ne oubliez pas les suppléments. Les vitamines, les herbes, les huiles essentielles - oui, même celles que vous pensez « inoffensives ». Un patient français à Bangkok a été hospitalisé après avoir pris de l’huile d’ail en même temps qu’un anticoagulant. Il n’avait pas noté cette prise sur sa liste. Il ne savait pas que c’était important.
Quelles langues choisir ?
Vous ne pouvez pas traduire votre liste dans 50 langues. Mais vous pouvez choisir les 3 ou 4 qui comptent vraiment pour vos voyages.
Voici les langues les plus utiles selon les destinations fréquentes :
- Anglais : indispensable partout dans le monde
- Français : si vous voyagez en Afrique de l’Ouest, en Suisse, au Canada, ou en Belgique
- Espagnol : pour l’Amérique latine, l’Espagne, et même certaines régions des États-Unis
- Chinois (simplifié) : si vous allez en Chine, en Malaisie, ou à Singapour
- Arabe : pour le Moyen-Orient, le Maghreb, et même certaines zones d’Europe
- Vietnamien, Tagalog, ou Russe : selon vos destinations spécifiques
Si vous avez une maladie chronique, ajoutez aussi la langue de votre pays d’origine. Un patient algérien à Marseille a été sauvé parce que la liste était aussi en arabe algérien - pas en arabe standard. La différence est réelle : certains termes médicaux ne se traduisent pas directement.
Où trouver des listes déjà traduites ?
Vous n’avez pas besoin de tout faire vous-même. Des organisations fiables ont déjà créé des modèles prêts à l’emploi.
Le Universal Medication List (UML) de l’Association des pharmaciens du Tennessee est disponible en 10 langues, dont le français, l’espagnol, le chinois, le vietnamien, et l’arabe. C’est un PDF gratuit, imprimable, avec les champs exacts dont vous avez besoin. Vous le trouvez en recherchant « Tennessee Pharmacists Association UML ».
Le MedlinePlus du gouvernement américain propose des fiches de médicaments en plus de 40 langues. Même si ce n’est pas une liste personnalisée, vous pouvez y copier les noms de vos médicaments et les traduire correctement.
Le British Red Cross Emergency Phrasebook contient des phrases clés comme « Je prends de l’aspirine tous les jours » ou « Je suis allergique à la pénicilline » en 36 langues. Il ne remplace pas une liste, mais il complète parfaitement une liste imprimée.
En France, vous pouvez aussi demander à votre pharmacien. Beaucoup ont des modèles imprimés en anglais et en espagnol. Si ce n’est pas le cas, demandez-le. C’est leur rôle.
Comment l’utiliser en pratique ?
Une liste inutilisée est une liste morte. Voici comment la rendre efficace :
- Imprimez-la en double exemplaire. Mettez-en un dans votre sac à main, l’autre dans votre valise.
- Photographiez-la. Sauvegardez-la dans votre téléphone, dans un dossier nommé « URGENCE ».
- Collez une copie sur la page de garde de votre carnet de santé ou de votre passeport.
- Donnez une copie à un proche de confiance - pas juste à votre conjoint, mais aussi à un ami ou un collègue de voyage.
- Actualisez-la à chaque rendez-vous médical. Si vous changez de dose, notez-le immédiatement.
Ne mettez pas la liste uniquement sur votre téléphone. En cas d’accident, votre téléphone peut être cassé, éteint, ou volé. Une version papier ne tombe jamais en panne.
Les erreurs à éviter
Beaucoup de gens pensent qu’une traduction Google suffit. Ce n’est pas vrai.
Traduire « 1 comprimé par jour » en chinois avec Google Translate peut donner « manger un comprimé une fois par jour » - ce qui peut être interprété comme « avaler tout le paquet en une fois ». Des études montrent que 43 % des traductions automatisées contiennent des erreurs dangereuses.
Évitez aussi :
- Les abréviations : écrivez « milligrammes », pas « mg »
- Les noms commerciaux seuls : « Xarelto » ne dit rien à un médecin étranger. Ajoutez « rivaroxaban »
- Les listes trop longues : si vous avez plus de 10 médicaments, faites deux pages. Une pour les essentiels, une pour les suppléments
- Les traductions incomplètes : si vous prenez un médicament en provenance de Chine ou d’Inde, vérifiez que le nom est bien reconnu en occident
Les nouvelles technologies : une aide, pas une solution
Des applications comme MedicineWise (Australie) ou MyTherapy permettent de stocker vos médicaments et d’envoyer une liste par SMS en cas d’urgence. Elles sont pratiques, mais pas fiables à 100 %.
En 2023, un patient français à Tokyo a perdu son téléphone. Il n’avait pas d’imprimé. Il a dû attendre 47 minutes avant qu’un interprète ne puisse traduire ses notes manuscrites. L’application n’a pas aidé.
Les applications sont un bonus. La liste papier est la base. Utilisez les deux, mais ne comptez que sur la version physique.
Le mot de la fin : soyez proactif
Vous ne pouvez pas contrôler les accidents. Mais vous pouvez contrôler votre préparation. Une liste de médicaments en plusieurs langues ne prend pas 10 minutes à faire. Mais elle peut vous sauver la vie - ou celle d’un proche.
Demain, avant de partir en voyage, prenez 15 minutes. Imprimez une liste. Vérifiez les traductions. Donnez-en une copie à quelqu’un. Et gardez une autre dans votre poche.
Parce que dans une urgence, ce n’est pas le médecin qui décide. C’est vous - même si vous ne pouvez pas parler. Votre liste parle pour vous.
Dois-je inclure les compléments alimentaires sur ma liste ?
Oui, absolument. Les compléments comme l’huile d’ail, le ginseng, le curcuma, ou même les vitamines en forte dose peuvent interagir avec vos médicaments. Beaucoup de médecins ne les considèrent pas comme des « médicaments », mais ils peuvent causer des réactions dangereuses. Notez-les avec leur dose et la raison pour laquelle vous les prenez.
Puis-je utiliser une traduction Google pour ma liste ?
Non, pas seul. Google Translate ne comprend pas le contexte médical. Il peut traduire « 1 comprimé par jour » par « manger un comprimé une fois par jour », ce qui peut être interprété comme une surdose. Utilisez les listes prêtes à l’emploi de l’Association des pharmaciens du Tennessee ou de MedlinePlus, qui sont vérifiées par des professionnels de santé.
Quelle langue est la plus importante pour voyager en Europe ?
L’anglais est la langue la plus universellement comprise dans les hôpitaux européens. Mais si vous voyagez en Espagne, en Italie, ou en Grèce, ajoutez l’espagnol, l’italien ou le grec. En Europe de l’Est, le russe ou le polonais peuvent être utiles. Le français est utile en Suisse, en Belgique, et dans les pays d’Afrique francophone.
Et si je ne parle aucune autre langue que le français ?
Même si vous ne parlez pas d’autres langues, vous pouvez quand même créer une liste en anglais, espagnol, et une autre en la langue de votre destination. Vous n’avez pas besoin de la comprendre - juste de la montrer. Le personnel médical saura lire les noms des médicaments, les dosages, et les fréquences. C’est ce qui compte.
Comment faire pour que ma liste soit facile à trouver en urgence ?
Mettez-la dans un étui transparent que vous attachez à votre bracelet de montre, ou glissez-la dans la poche intérieure de votre veste. Vous pouvez aussi la coller à l’intérieur de votre passeport. Une autre idée : demandez à votre pharmacien de vous donner une version plastifiée. Elle résistera à l’eau et aux plis.
4 Commentaires
Je viens de faire ma liste en anglais, espagnol et arabe, j’ai mis tout ce que je prends, même le curcuma… J’ai même imprimé deux copies, une dans mon sac, une dans mon passeport. J’ai hâte de la tester en Tunisie cet hiver. Merci pour ce rappel vital !
Oh mais sérieusement ? On va vraiment se faire sauver la vie par une feuille imprimée ? Et si le médecin ne sait pas lire ? Et si c’est un interné qui ne connaît rien aux médicaments ? Vous croyez que les hôpitaux en France sont des bibliothèques ?
La liste multilingue est une excellente idée, mais attention à ne pas négliger les nuances culturelles. Par exemple, en Algérie, « dan shen » se dit « racine rouge » dans certains dialectes. Une traduction littérale ne suffit pas. Il faut parfois demander à un pharmacien local de valider les termes.
Je l’ai vécu à Marrakech : mon ami a montré sa liste en arabe standard, et le médecin a cru qu’il prenait un tonique pour la digestion. Il fallait que je lui explique que c’était un anticoagulant. La langue, c’est plus que des mots.
Je trouve ça pathétique qu’on doive se préparer comme un espion pour ne pas mourir dans un hôpital. On est en 2025, et on nous demande de printer des PDF au lieu d’avoir un système médical européen coordonné. C’est de la paresse institutionnelle. Et puis, qui va traduire les médicaments chinois ? Vous croyez que le médecin à Hanoi connaît le « rivaroxaban » ?
Je vais mettre ma liste… mais je vais aussi porter un bracelet avec mon historique médical. Parce que cette feuille, elle va se perdre. Comme tout le reste.