- 30 oct. 2025
- Élise Marivaux
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...Chaque fois que vous prenez un antibiotique, vous ne traitez pas seulement une infection. Vous influencez aussi l’évolution de millions de bactéries dans votre corps - et dans le monde entier. Ce n’est pas une question de « si » mais de « quand » : une utilisation répétée d’antibiotiques, même bien intentionnée, accélère la naissance de bactéries que rien ne peut plus tuer. Et les conséquences ne se limitent pas à un simple échec de traitement. Elles menacent de nous replonger dans une ère où une simple coupure ou une infection urinaire peut devenir mortelle.
Comment les bactéries deviennent invincibles
Les bactéries ne sont pas des êtres passifs. Elles se reproduisent en quelques heures, et chaque division est une chance pour une mutation de se produire. Quand un antibiotique est utilisé trop souvent ou mal, il tue les bactéries sensibles - mais laisse vivre celles qui, par hasard, ont une protection. Ces survivantes se multiplient, et leurs descendants héritent de cette résistance. Ce n’est pas de la magie. C’est de l’évolution, accélérée par nos actions.
Les mécanismes sont précis. Certaines bactéries produisent des enzymes qui détruisent l’antibiotique avant qu’il n’agisse. D’autres modifient leur membrane pour bloquer son entrée. Ou encore, elles échangent des gènes de résistance entre elles, comme si elles partageaient un manuel d’instructions. Ce transfert horizontal est particulièrement inquiétant : une bactérie résistante dans l’intestin d’un enfant peut transmettre son arme génétique à une autre bactérie dans l’hôpital, à des milliers de kilomètres.
Les données sont alarmantes. En 2020, aux États-Unis, les infections causées par des Enterobactérales résistantes aux carbapénèmes (CRE) ont touché plus de 12 700 personnes et tué 1 100 patients. Entre 2019 et 2023, les infections causées par la souche NDM-CRE ont augmenté de 460 %. Ce n’est pas une exception. En Europe, près de 42 % des infections urinaires causées par Escherichia coli ne répondent plus aux antibiotiques courants comme l’ampicilline ou les fluoroquinolones. Dans certains hôpitaux, un patient sur trois avec une infection grave est porteur d’une bactérie résistante à au moins trois classes d’antibiotiques.
Les infections qui ne disparaissent plus
Imaginez une infection qui ne guérit pas, même après plusieurs traitements. C’est la réalité pour des milliers de patients chaque année. Une femme de 58 ans, après une chirurgie du genou, développe une infection à Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (MRSA). Elle reçoit un antibiotique après l’autre - 11 au total. Chaque nouvelle tentative dure des semaines. Elle perd du poids, souffre de nausées, perd son sommeil. À la fin, elle a besoin de trois nouvelles opérations. Elle ne sait plus si elle guérira ou si elle va mourir d’une infection qu’on ne peut plus traiter.
Ces histoires ne sont pas rares. Une étude menée en 2024 dans 12 pays montre que les patients avec des infections résistantes attendent en moyenne 9,3 jours avant de recevoir un traitement efficace. Pendant ce temps, leur état se détériore. 42 % restent à l’hôpital deux fois plus longtemps que les patients avec des infections sensibles. 29 % souffrent de complications permanentes : lésions rénales, perte de mobilité, insuffisance organique.
Les infections les plus dangereuses ne sont pas toujours celles qu’on imagine. Le Candida auris, un champignon résistant à tous les antifongiques, a été détecté dans plus de 40 pays. Il se propage dans les hôpitaux, survit des semaines sur les surfaces, et tue jusqu’à 60 % des patients infectés. Il n’existe aucun traitement fiable. Et pourtant, il n’est pas une bactérie - c’est un rappel que la résistance ne concerne pas seulement les antibiotiques. Elle touche tout ce qu’on utilise pour tuer des microbes.
Les antibiotiques qu’on prend sans ordonnance
La plupart des gens pensent que la résistance vient des hôpitaux. Ce n’est pas tout à fait vrai. La majorité des antibiotiques utilisés dans le monde sont consommés par les patients eux-mêmes - souvent sans ordonnance. Dans certaines régions d’Asie du Sud-Est, jusqu’à 89 % des personnes prennent des antibiotiques sans consulter un médecin. Elles les achètent en pharmacie, sur Internet, ou les gardent dans leur armoire après une infection passée.
Un simple mal de gorge, une grippe, une toux : on les traite comme des infections bactériennes, même quand ce n’est pas le cas. Et chaque fois qu’on prend un antibiotique inutile, on donne un coup de pouce aux bactéries résistantes. Un enfant qui prend un antibiotique pour une infection virale ne guérit pas plus vite. Mais il devient un réservoir vivant de gènes de résistance. Ces gènes peuvent ensuite être transférés à d’autres bactéries - même à celles qui vivent dans l’environnement.
Et ce n’est pas seulement les antibiotiques. Une étude publiée en janvier 2025 dans Nature Communications a révélé que certains médicaments courants - comme les antidépresseurs, les anti-inflammatoires ou même les médicaments contre le diabète - peuvent aussi favoriser la résistance. Ils ne sont pas conçus pour tuer les bactéries, mais ils modifient leur environnement, les forçant à s’adapter. C’est une révélation que peu de gens connaissent, et qui change complètement la façon dont on doit penser à la santé.
Les hôpitaux, foyers de résistance
Dans les hôpitaux, les antibiotiques sont utilisés à grande échelle. Pour prévenir les infections après une chirurgie, pour traiter les patients en soins intensifs, pour contrôler les épidémies. Mais cette surutilisation crée un cercle vicieux : plus on en utilise, plus les bactéries résistent, et plus on en a besoin pour les combattre.
Les programmes de stewardship antibiotique - c’est-à-dire une gestion rigoureuse de l’usage des antibiotiques - ont prouvé leur efficacité. Dans 87 hôpitaux américains, ceux qui ont appliqué les sept pratiques recommandées par les CDC (leadership, suivi des prescriptions, éducation des médecins, etc.) ont réduit l’utilisation inutile de 22 % et les infections à Clostridioides difficile de 17 % en seulement 18 mois. Ce n’est pas une petite amélioration. C’est une vie sauve, un lit libéré, une dépense évitée.
Le problème ? Ces programmes sont rares. Dans les pays à revenu faible, seulement 12 % ont un plan national complet pour lutter contre la résistance. Et dans les hôpitaux américains, seulement 38 % disposent des tests rapides pour détecter les bactéries résistantes comme NDM-CRE. Sans ces tests, les médecins doivent deviner. Et quand ils devinent, ils prescrivent. Et quand ils prescrivent, ils renforcent la résistance.
Le vide dans les laboratoires
En 1980, les grandes entreprises pharmaceutiques découvraient une nouvelle classe d’antibiotiques presque chaque année. Aujourd’hui, il n’y en a plus que deux nouvelles depuis 40 ans. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas d’argent. Développer un antibiotique coûte 1,5 milliard de dollars. Et une fois qu’il est sur le marché, on l’utilise peu - parce qu’on veut le garder pour les cas extrêmes. Les entreprises ne récupèrent que 20 cents pour chaque dollar investi.
Sept des quinze plus grandes firmes qui fabriquaient des antibiotiques en 1990 ont complètement abandonné ce marché. Aujourd’hui, seulement 39 antibiotiques sont en développement dans le monde. Huit seulement sont de nouvelles classes, capables de tuer des bactéries résistantes. Le reste, ce sont des variantes de vieux médicaments. Ce n’est pas une innovation. C’est un réarrangement.
En janvier 2025, la FDA a approuvé un nouveau traitement : cefepime-taniborbactam. Il cible les CRE résistantes et a réussi dans 89 % des cas en essais cliniques. C’est une avancée majeure. Mais c’est un seul médicament. Et il ne guérira pas toutes les infections. Il ne réparera pas les années de surutilisation. Il ne remplacera pas les antibiotiques qu’on a gaspillés.
Que faire maintenant ?
Vous ne pouvez pas arrêter les bactéries. Mais vous pouvez ralentir leur progression. Voici ce que vous pouvez faire :
- Ne prenez jamais d’antibiotiques sans ordonnance. Même si vous avez déjà eu la même infection.
- Ne demandez pas d’antibiotique pour une grippe, un rhume ou une angine virale. Ils ne servent à rien.
- Terminez toujours le traitement prescrit, même si vous vous sentez mieux. Arrêter tôt, c’est laisser survivre les bactéries les plus résistantes.
- Ne partagez pas vos antibiotiques. Ce n’est pas un médicament de famille.
- Si vous êtes dans un hôpital, demandez : « Est-ce que cet antibiotique est vraiment nécessaire ? »
- Privilégiez les gestes simples : se laver les mains, se faire vacciner, éviter les contacts inutiles quand vous êtes malade.
La résistance aux antibiotiques n’est pas une question de science. C’est une question de choix. Chaque pilule que vous prenez, chaque fois que vous en demandez pour une infection virale, chaque fois que vous laissez un traitement inachevé - vous participez à ce que les médecins du futur n’aient plus rien pour vous sauver la vie.
Le futur est entre nos mains
Les scientifiques disent qu’on peut encore éviter l’ère post-antibiotique. Mais il faut agir maintenant. Pas demain. Pas quand une personne qu’on aime sera infectée. Maintenant.
La Suède a réduit son usage d’antibiotiques de 28 % depuis 1995, grâce à une campagne nationale, à l’éducation des médecins et à la transparence des données. Le pays a aussi réduit les infections résistantes de 33 %. Ce n’est pas un miracle. C’est de la rigueur. C’est de la coordination. C’est de la volonté politique.
Le monde ne peut pas attendre qu’un nouveau médicament arrive. Il faut changer la façon dont on utilise les anciens. Parce que la prochaine infection mortelle ne sera pas celle de quelqu’un d’autre. Ce sera la vôtre. Ou celle de votre enfant. Ou de votre parent.
La résistance aux antibiotiques n’est pas une maladie. C’est une conséquence. Et comme toute conséquence, elle peut être évitée - si on décide de changer de comportement.
Pourquoi les antibiotiques ne marchent plus contre certaines infections ?
Les bactéries évoluent. Quand un antibiotique est utilisé trop souvent ou mal, il tue les bactéries sensibles mais laisse vivre celles qui ont une résistance naturelle. Ces bactéries survivantes se multiplient et transmettent leurs gènes de résistance à d’autres. Au fil du temps, les infections deviennent de plus en plus difficiles à traiter, car les antibiotiques courants ne les affectent plus.
Est-ce que prendre un antibiotique pour un rhume peut causer de la résistance ?
Oui. Les rhumes sont causés par des virus, et les antibiotiques ne tuent pas les virus. Mais en les prenant inutilement, vous exposez vos bactéries normales à un antibiotique. Cela favorise l’apparition de souches résistantes dans votre corps, qui peuvent ensuite causer des infections graves plus tard, ou être transmises à d’autres personnes.
Les infections résistantes sont-elles plus dangereuses que les autres ?
Oui. Elles sont plus difficiles à traiter, ce qui signifie plus de temps à l’hôpital, plus de complications, et un risque de décès plus élevé. Pour certaines infections comme les CRE, la mortalité peut atteindre 40 à 50 %. De plus, les traitements pour ces infections sont souvent plus toxiques, plus chers, et nécessitent des antibiotiques administrés par perfusion.
Les antibiotiques d’origine naturelle sont-ils plus sûrs que les synthétiques ?
Non. La résistance ne dépend pas de la source de l’antibiotique, mais de son utilisation. Même les antibiotiques d’origine naturelle, comme la pénicilline, ont été rendus inefficaces par une surutilisation. Ce qui compte, c’est de ne les utiliser que quand c’est vraiment nécessaire, quel que soit leur type.
Les vaccins peuvent-ils aider à réduire la résistance aux antibiotiques ?
Oui. En empêchant les infections virales comme la grippe ou la pneumonie, les vaccins réduisent le nombre de personnes qui consultent pour des symptômes et reçoivent des antibiotiques inutilement. Moins d’infections = moins d’antibiotiques prescrits = moins de résistance. C’est une stratégie simple mais très efficace.
Qu’est-ce que le projet PASTEUR et comment pourrait-il aider ?
Le projet PASTEUR, proposé aux États-Unis, vise à récompenser les entreprises pharmaceutiques pour le développement de nouveaux antibiotiques, sans les obliger à vendre des quantités massives. Au lieu de gagner de l’argent en vendant des millions de comprimés, elles recevraient un paiement fixe pour un antibiotique efficace contre les infections résistantes. Cela pourrait encourager la recherche, car les entreprises n’auraient plus peur de perdre de l’argent.