
- 10 juil. 2025
- Élise Marivaux
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Des familles pensent parfois que seules les maladies du cerveau touchent le développement d’un enfant. Pourtant, certaines tumeurs comme le neuroblastome, bien qu’issues du système nerveux périphérique, chamboulent la vie des petits patients à long terme, même une fois la victoire contre le cancer remportée. L’histoire du neuroblastome ne s'arrête pas à la rémission. C’est un sujet brûlant, rarement abordé, malgré ses répercussions immenses.
Neuroblastome : bien plus qu’un simple cancer infantile
Le neuroblastome, c’est la troisième tumeur maligne la plus courante de l’enfant, après la leucémie et les tumeurs cérébrales. Un chiffre qui fait froid dans le dos : en France, environ 130 nouveaux diagnostics sont posés chaque année, souvent avant l’âge de 5 ans, avec un pic vers 18 mois. Cette maladie touche principalement les cellules nerveuses dites « sympathiques » qui commandent tout un tas de fonctions vitales : rythme cardiaque, pression sanguine, digestion, et même certaines réactions émotionnelles. Le neuroblastome frappe fort, souvent dans la région de l’abdomen (dans les glandes surrénales, là où s’associent hormones et système nerveux), mais peut envoyer des métastases dans la moelle osseuse, le foie, la peau.
Pourquoi ce cancer s’avère-t-il parfois si dévastateur pour le développement ? Les traitements nécessaires (chimiothérapie, chirurgie, greffes, radiothérapie) sauvent des vies mais chamboulent aussi des processus biologiques essentiels à la croissance. Certains traitements, comme le cisplatine et la vincristine, connus pour leur efficacité, sont aussi neurotoxiques. Les parents redoutent alors l’après : la maladie s'efface, mais les difficultés motrices, la fatigue chronique, ou le ralentissement des acquisitions scolaires apparaissent.
Indicateur | Valeur |
---|---|
Nombre annuel de cas en France | Environ 130 |
Âge médian au diagnostic | 18 mois |
Taux de survie à 5 ans (formes localisées) | 90% |
Taux de survie à 5 ans (formes métastatiques) | 40-50% |
Proportion d’enfants avec séquelles neurologiques à long terme | 30-45% |
Au fil des années, certaines équipes comme celle du CHU de Lille ont révélé que 30 à 45 % des enfants traités pour neuroblastome vivent ensuite avec des séquelles neurologiques à divers degrés. Trouble moteur, problèmes cognitifs, difficultés attentionnelles : on parle ici de troubles du développement qui s’installent parfois insidieusement, loin des projecteurs, des années après la thérapie initiale. Ce ne sont pas que des chiffres, mais des quotidiens bousculés, des parcours scolaires plus compliqués, et une autonomie à reconquérir.

Pourquoi le neuroblastome favorise-t-il les troubles du développement ?
Le lien entre neuroblastome et troubles développementaux est multiple. D’abord, la tumeur s’installe parfois proche de la colonne vertébrale ou touche le système nerveux périphérique qui n’a pas fini sa maturation. La chirurgie, aussi prudente soit-elle, peut léser des nerfs responsables de la marche ou de la motricité fine. Chez certains enfants, une intervention sur une tumeur thoracique entraîne des lésions qui réduisent la force musculaire d’un membre pour toute la vie. Côté chimiothérapie, certains médicaments affectent durablement les cellules du cerveau et de la moelle épinière : troubles de la mémoire, lenteur d’exécution, hypersensibilité sensorielle.
La recherche sur ce terrain avance : en 2022, une étude parue dans la revue « Neuro-Oncology » a suivi un groupe d’enfants américains guéris d’un neuroblastome à haut risque. Résultat : 38 % d’entre eux présentaient au moins un trouble du développement détecté entre 2 et 7 ans après la fin des traitements. Les troubles variaient d’une simple difficulté à tenir un crayon à des troubles du spectre autistique avérés. Certains présentaient des retards de langage, d’autres une perte du sens de l’orientation ou une maladresse persistante.
Le stress chronique lié à la maladie joue aussi un rôle. Vivre des hospitalisations répétées, être séparé de ses proches, perdre ses repères : tout cela ralentit l’acquisition du langage, l’apprentissage de la lecture. Chez les frères et sœurs, l’instabilité émotionnelle provoquée par le combat contre le cancer est associée à un taux plus élevé de troubles anxieux ou d’hyperactivité, d’après une enquête menée en 2023 par l’Institut Curie. Personne ne sort indemne, même parmi les proches.
Le facteur génétique n’est pas non plus à négliger. Certaines mutations, dont ALK ou PHOX2B, sont associées non seulement au risque de neuroblastome mais aussi à des troubles neurodéveloppementaux (autisme, retard intellectuel), selon une étude française de 2021 menée par le réseau Génétique et Cancer. On découvre ainsi des passerelles inattendues entre prédispositions aux cancers pédiatriques et fragilité du cerveau en développement. Ce n’est pas une fatalité, mais c’est un terrain de vigilance à explorer, en particulier dans les familles où plusieurs membres présentent des anomalies similaires.

Prévenir, dépister et accompagner : comment limiter les séquelles ?
Face à cette réalité, chaque parent veut savoir : peut-on éviter les troubles secondaires au neuroblastome ? Les médecins, eux, répètent ce mantra : « mieux vaut prévenir que guérir ». Les progrès des techniques de dépistage, comme l’IRM fonctionnelle ou le suivi neuropsychologique régulier, permettent aujourd’hui d’identifier assez tôt les enfants vulnérables. Il ne s’agit plus seulement de surveiller la récidive du cancer, mais aussi de vérifier le développement moteur, l’apprentissage du langage, la gestion des émotions.
Certains soignants proposent des bilans neuropsychologiques avant, pendant et après le traitement. Dès les premiers signes de retard, une rééducation démarrée tôt améliore les chances de récupérer une vie scolaire et sociale normale. Ergothérapeutes, psychomotriciens et orthophonistes sont de précieux alliés, bien au-delà du suivi en oncologie. L’enfant apprend à contourner ses difficultés, à renforcer ses acquis, et à gagner en confiance. C’est un marathon, pas un sprint.
Voici quelques conseils concrets pour les familles et les enseignants concernés :
- Demander un bilan neuropsychologique annuel lors du suivi après guérison.
- Réclamer un accompagnement personnalisé à l’école, comme un Projet d’Accueil Individualisé (PAI).
- Participer à des ateliers de stimulation cognitive et des séances de rééducation motrice, même hors hôpital.
- Échanger en réseau avec d’autres parents (associations comme « Imagine for Margo », « Les Bagouz à Manon »).
- Ne pas hésiter à consulter un spécialiste du sommeil ou un pédopsychiatre si des troubles apparaissent.
Il est crucial de ne pas minimiser les signaux d’alerte : baisse subite des résultats scolaires, difficultés de concentration, troubles du comportement… tout cela mérite écoute et dialogue. Depuis 2020, chaque centre de lutte contre le cancer pédiatrique en France propose aussi un suivi global, intégrant la gestion des séquelles neurologiques. Pour certains enfants, c’est la clé pour retrouver l’envie d’apprendre et de s’entourer d’amis.
Le parcours contre le neuroblastome ne s’arrête donc pas avec la fin des traitements. Il se prolonge dans le soutien au développement de l’enfant, car la santé, ce n’est pas seulement survivre, mais grandir et s’épanouir, malgré toutes les cicatrices invisibles. S’informer, demander de l’aide, oser poser des questions : voilà les vrais pouvoirs des familles dans cette épreuve. Avec plus de 40 % d’enfants concernés à long terme par des séquelles, on ne peut plus réduire le cancer à sa seule dimension médicale. La bataille vers la reconstruction, elle aussi, mérite d’être menée à plusieurs, main dans la main.