- 2 déc. 2025
- Élise Marivaux
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Chaque année, des millions de personnes reçoivent le mauvais médicament, la mauvaise dose, ou des instructions erronées. Ces erreurs ne sont pas des accidents rares : elles sont systématiques, prévisibles, et parfois mortelles. Mais elles ne se produisent pas de la même manière dans un hôpital qu’à la pharmacie du coin. Et ce n’est pas seulement une question de chiffres. C’est une question de structure, de contrôles, et de risque réel pour les patients.
Les erreurs sont plus fréquentes à l’hôpital… mais mieux arrêtées
Dans les hôpitaux, les erreurs de médication sont monnaie courante. Une étude de 2006 publiée dans JAMA Internal Medicine a révélé que près d’une dose sur cinq - soit 20 % - contenait une erreur. Cela signifie que dans un service de soins intensifs ou même dans un service de médecine classique, vous avez une chance sur cinq d’obtenir un médicament mal administré. Les erreurs les plus fréquentes ? La mauvaise heure, la mauvaise dose, ou le mauvais médicament - souvent parce qu’un infirmier a mal lu une étiquette, ou qu’un ordre médical a été mal transcrit.
Pourtant, ces erreurs ne finissent pas toujours par blesser le patient. Pourquoi ? Parce qu’il y a des points de contrôle. L’infirmière vérifie avant d’injecter. Le pharmacien vérifie avant de livrer. Le médecin revérifie si quelque chose semble étrange. Et si un patient réagit mal, on le sait rapidement. Les hôpitaux ont des systèmes de signalement, des audits quotidiens, et des équipes dédiées à la sécurité des médicaments. Un grand centre hospitalier signale en moyenne 100 erreurs par mois - pas parce qu’il est plus dangereux, mais parce qu’il les voit.
À la pharmacie, les erreurs sont rares… mais plus dangereuses
En comparaison, les pharmacies de quartier ont un taux d’erreur bien plus faible : environ 1,5 % des ordonnances contiennent une erreur. Sur 3 milliards d’ordonnances dispensées chaque année aux États-Unis, cela représente environ 45 millions d’erreurs. Cela semble énorme - et c’est le cas. Mais ce qui est plus inquiétant, c’est que dans 98 % des cas, personne ne s’en rend compte avant que le patient ne prenne le médicament.
Le problème ? Il n’y a pas de vérification intermédiaire. Le pharmacien prépare. Le patient part. Point final. Aucun infirmier ne vérifie. Aucun médecin ne suit. Si la dose est écrite « 1 comprimé deux fois par jour » au lieu de « deux fois par semaine », le patient va prendre deux comprimés chaque jour - pendant des semaines - jusqu’à ce qu’il tombe malade. Un cas réel rapporté par l’AHRQ : une patiente a reçu de l’estradiol avec une instruction erronée. Elle a pris un comprimé tous les jours, pas une fois par semaine. Elle a eu des saignements abondants et a dû être suivie en urgence.
Quels types d’erreurs ?
À la pharmacie, les erreurs se concentrent sur trois choses : le mauvais médicament, la mauvaise dose, ou de mauvaises instructions. La plupart du temps, ce sont des erreurs de transcription : le pharmacien lit mal l’écriture du médecin, ou confond deux noms similaires. Une étude du NIH a montré que 51 % des erreurs étaient des problèmes cliniques - comme une dose trop élevée pour un patient âgé - et 49 % étaient administratives - une étiquette mal collée, un nom mal orthographié.
Dans les hôpitaux, les erreurs sont plus variées. Elles surviennent à chaque étape : le médecin prescrit mal, l’ordinateur transcrit mal, le pharmacien prépare mal, l’infirmier administre mal. Les erreurs de timing sont très courantes : un antibiotique donné 4 heures après au lieu de 6, ou un anticoagulant administré à un patient qui vient de subir une opération. Ce sont des erreurs plus complexes, mais aussi plus facilement détectées.
Qui est responsable ?
Les erreurs ne viennent pas de « mauvais pharmaciens » ou de « mauvais infirmiers ». Elles viennent de systèmes mal conçus. Dans les pharmacies de quartier, 80 % des erreurs sont liées à des facteurs organisationnels : trop de prescriptions à traiter en peu de temps, des écrans mal positionnés, des systèmes automatisés qui donnent de mauvaises alertes, ou des interruptions constantes. Un pharmacien qui doit répondre à un téléphone, vérifier un paiement, et préparer trois ordonnances en même temps - c’est un environnement propice à l’erreur.
Dans les hôpitaux, la pression vient d’ailleurs : des équipes surchargées, des changements de service fréquents, des dossiers médicaux mal synchronisés. Un médecin prescrit un médicament, mais l’information n’arrive pas au pharmacien. Ou elle arrive, mais avec une erreur de codage. Le système est complexe, mais il a des filets de sécurité. La pharmacie n’en a pas - ou très peu.
Les conséquences : qui est le plus en danger ?
Les erreurs à l’hôpital peuvent être plus graves - un patient en soins intensifs qui reçoit une surdose de morphine peut mourir en minutes. Mais elles sont souvent arrêtées à temps. Les erreurs à la pharmacie sont moins graves en moyenne - mais elles touchent plus de gens, et elles restent cachées plus longtemps. Une étude du NIH a montré que 1 erreur sur 10 000 prescriptions à la pharmacie a conduit à une hospitalisation. Trois cas sur 10 000. Ça semble peu. Mais multipliez ça par 45 millions d’ordonnances par an : ce sont des milliers d’hospitalisations évitables.
Et les médicaments critiques ? L’insuline, les anticoagulants, les traitements contre l’épilepsie. Une erreur sur l’un de ces médicaments à la pharmacie peut être fatale. Et personne ne le saura avant que le patient ne fasse une crise, un AVC, ou un saignement interne.
Comment on les empêche ?
À l’hôpital, les solutions existent : les systèmes à code-barres pour vérifier chaque médicament avant administration ont réduit les erreurs de 86 %. Les dossiers médicaux électroniques intégrés ont fait chuter les erreurs de 52 % dans certains hôpitaux comme Mayo Clinic. Ce sont des outils puissants - mais coûteux.
À la pharmacie, les solutions sont plus simples, mais moins mises en œuvre. Les systèmes d’aide à la décision clinique (CDSS) peuvent alerter le pharmacien si une dose est trop élevée, ou si un médicament entre en conflit avec un autre. CVS Health a mis en place un système d’intelligence artificielle en 2022 : les erreurs ont baissé de 37 %. Mais ce n’est pas encore la norme. La plupart des pharmacies de quartier n’ont pas ce genre de technologie. Elles comptent sur la vigilance humaine - et on sait que l’humain, fatigué, stressé, ou distrait, fait des erreurs.
Le vrai problème : on ne signale pas
Les hôpitaux ont des systèmes de signalement obligatoires. Les pharmacies ? Pas vraiment. En Californie, les erreurs doivent être déclarées. Dans la plupart des États, non. Et même là où c’est obligatoire, beaucoup de pharmaciens n’osent pas parler. Ils ont peur d’être punis. Ce n’est pas une question de compétence - c’est une question de culture. Si vous signalez une erreur, êtes-vous félicité pour avoir évité un drame ? Ou êtes-vous réprimandé pour avoir fait une faute ?
La National Coordinating Council for Medication Error Reporting and Prevention le dit clairement : il faut créer une culture où dire « j’ai fait une erreur » est vu comme un acte de responsabilité, pas de faiblesse. Sinon, les erreurs restent cachées. Et les patients, eux, continuent de les subir.
Que faire ?
Si vous prenez un médicament à la pharmacie : vérifiez toujours l’étiquette. Comparez-la avec ce que votre médecin vous a dit. Posez la question : « Est-ce que c’est bien ce qu’il m’a prescrit ? » Si la dose semble étrange, demandez une seconde vérification. Ce n’est pas de la méfiance - c’est de la sécurité.
Si vous êtes un professionnel de santé : soutenez les systèmes automatisés. Poussez pour des logiciels qui alertent les erreurs. Encouragez vos collègues à signaler les incidents - sans peur. Une erreur signalée est une erreur réparée. Une erreur cachée est une erreur répétée.
Le système de santé n’est pas parfait. Mais il peut être plus sûr. Pas en punissant les gens. En changeant les systèmes. Parce que les erreurs ne viennent pas des personnes. Elles viennent des conditions.
Pourquoi les erreurs de médication sont-elles plus fréquentes à l’hôpital qu’à la pharmacie ?
Les erreurs sont plus fréquentes à l’hôpital parce qu’il y a plus d’étapes dans le processus : prescription, transcription, préparation, administration. Chaque étape est une occasion d’erreur. De plus, les patients sont souvent gravement malades, ce qui complique les traitements. Mais contrairement aux pharmacies, les hôpitaux ont plusieurs points de vérification - infirmiers, pharmaciens, systèmes électroniques - qui interceptent beaucoup d’erreurs avant qu’elles n’atteignent le patient.
Quelle est la principale cause d’erreur dans les pharmacies de quartier ?
La principale cause est l’erreur de transcription : le pharmacien lit mal l’ordonnance, confond deux noms similaires, ou saisit mal la dose dans le système. Ces erreurs sont souvent causées par un environnement de travail stressant : trop de prescriptions à traiter, des interruptions fréquentes, des écrans mal positionnés, ou des systèmes automatisés qui donnent des alertes inutiles. 80 % des erreurs sont liées à ces facteurs organisationnels, pas à une négligence volontaire.
Les erreurs à la pharmacie sont-elles plus dangereuses qu’à l’hôpital ?
Elles sont plus dangereuses dans un sens : elles atteignent souvent le patient sans être détectées. À l’hôpital, une erreur peut être corrigée en quelques minutes. À la pharmacie, le patient peut prendre le médicament pendant des jours, voire des semaines, avant de remarquer un problème. C’est particulièrement critique pour les médicaments comme l’insuline, les anticoagulants ou les traitements contre l’épilepsie. Une erreur mineure peut devenir une urgence vitale.
Pourquoi les pharmacies ne signalement-elles pas plus d’erreurs ?
Parce qu’il n’y a pas de culture de signalement obligatoire dans la plupart des pays. Même là où c’est requis, les pharmaciens ont peur d’être blâmés, sanctionnés, ou de perdre leur emploi. Ils pensent que dire « j’ai fait une erreur » signifie qu’ils sont maladroits. Or, les erreurs sont le signe d’un système défectueux, pas d’une personne mauvaise. Sans signalement, on ne peut pas améliorer les systèmes. Et sans amélioration, les erreurs continuent.
Quels outils peuvent réduire les erreurs de médication ?
À l’hôpital, les systèmes à code-barres et les dossiers médicaux électroniques intégrés ont réduit les erreurs de plus de 50 %. À la pharmacie, les systèmes d’aide à la décision clinique (CDSS) - qui alertent les pharmaciens sur les doses inappropriées ou les interactions médicamenteuses - ont fait chuter les erreurs de 37 % chez CVS Health. L’IA pour vérifier les ordonnances est aussi en cours de déploiement. Mais ces outils ne servent à rien si les pharmaciens n’ont pas le temps de les utiliser, ou s’ils sont ignorés parce que les alertes sont trop nombreuses.
Que peut faire un patient pour éviter une erreur de médication ?
Demandez toujours de vérifier l’ordonnance. Comparez le nom du médicament, la dose, la fréquence et la forme (comprimé, gélule, sirop) avec ce que votre médecin vous a dit. Si la dose semble trop élevée ou trop basse, demandez : « Est-ce bien ce qui a été prescrit ? » Ne laissez pas passer une erreur parce que vous avez peur de paraître difficile. Votre vie en dépend. Et si vous avez un doute, demandez à un autre pharmacien de vérifier - c’est votre droit.
6 Commentaires
C’est fou comment on se fie aveuglément à un pharmacien… et pourtant, on vérifie pas une seule fois la dose sur l’étiquette. J’ai eu un copain qui a pris son insuline deux fois par jour pendant 3 semaines parce que l’écriture du médecin ressemblait à « 2x/j » au lieu de « 2x/semaine ». Il a failli mourir. Et personne ne l’a vu venir.
On devrait tous apprendre à lire les ordonnances comme des détectives.
Je travaille dans un hôpital suisse, et je peux te dire que les systèmes de vérification sont de plus en plus rigoureux - mais ils sont aussi de plus en plus lents. Les infirmiers passent 40 % de leur temps à valider des alertes inutiles parce que le logiciel ne sait pas distinguer une erreur d’un cas clinique rare. Et ça, c’est pire qu’aucun système : ça les rend blasés.
La technologie n’est pas la solution. La culture l’est. Il faut arrêter de traiter les erreurs comme des fautes personnelles. Sinon, on ne fera jamais mieux.
HAHAHAHA les hôpitaux suisses sont des châteaux de cartes avec leurs « systèmes de sécurité »… et les pharmaciens français ? Ils sont payés pour faire des erreurs !
Je te dis ça parce que ma tante a reçu du paracétamol à la place de l’ibuprofène… et elle a eu une crise d’asthme parce qu’elle est allergique au paracétamol !
Et devine quoi ? Le pharmacien a dit : « C’est pas grave, c’est juste un médicament pour la fièvre. »
FRANCE = CATASTROPHE MÉDICALE ORGANISÉE. 🇫🇷💀
Je suis infirmière à Lyon, et j’ai vu des choses…
Un patient a reçu 10 fois la dose d’anticoagulant parce que l’ordre était écrit « 10 mg » sur un papier froissé. Le pharmacien a lu « 1 mg ». Personne n’a vérifié. Il a eu un AVC.
On parle de systèmes, de technologie… mais au fond, c’est l’humain qui est au centre. Et quand il est épuisé, stressé, surchargé… il fait des erreurs. Pas parce qu’il est mauvais. Parce qu’on l’a laissé tomber.
On a besoin de plus de temps. Pas de plus de logiciels.
Les pharmaciens en France sont des déchets. Ils sont plus occupés à vendre des compléments alimentaires qu’à vérifier une ordonnance. J’ai demandé une ordonnance pour du levothyrox et ils m’ont donné du thyroxine. J’ai dû retourner 3 fois avant qu’ils comprennent que c’est pas la même chose.
Et ils osent dire qu’ils sont professionnels ?
La France est un pays de bricolage médical. On fait avec ce qu’on a. Et ça tue.
Il y a une différence fondamentale entre l’hôpital et la pharmacie : dans un hôpital, tu es dans un système fermé. Toutes les données sont centralisées. Dans une pharmacie, tu es dans un système ouvert - et le patient est le dernier maillon. Il est censé être le garant de la sécurité… mais il n’a ni la formation ni le pouvoir.
On demande à un non-expert de vérifier un processus complexe. C’est comme demander à un chauffeur de vérifier les freins d’un avion. C’est absurde.
La solution ? Des systèmes automatisés obligatoires. Pas un « si vous avez un doute » - un « vous ne pouvez pas sortir sans validation ».