
- 17 juil. 2025
- Élise Marivaux
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Rien de plus gênant que de remarquer que le désir s’éclipse un peu, ou même beaucoup, sans que le sujet s’invite naturellement dans la conversation. Pourtant, ce silence peut devenir lourd dans un couple. Selon l’IFOP, en France, près d’1 couple sur 3 dit avoir connu une baisse de libido durable au cours de sa vie commune. Mais pourquoi reste-t-on aussi mal à l’aise ? Peut-être parce que les images des réseaux sociaux ou des films nous laissent croire que le sexe se vit toujours au maximum, alors qu’en vrai, la libido évolue — comme notre humeur ou notre appétit. Ici, tu vas trouver des pistes concrètes pour déconstruire les non-dits et retrouver l’envie de parler… avant tout.
Pourquoi la baisse de désir survient-elle ? Différencier le mythe de la réalité
On croit souvent que le désir, c’est inné, c’est instinctif, et si on l’a plus, c’est la faute de l’autre — ou de soi. Heureusement, la réalité est beaucoup moins simpliste ! Le désir sexuel dépend de facteurs biologiques, psychologiques, émotionnels et même sociaux. Par exemple, des fluctuations hormonales sont classiques à certains moments de la vie : grossesse, post-partum, péri-ménopause, andropause chez les hommes, maladie chronique, contraception, prise d’antidépresseurs ou de bêtabloquants… Autant de causes médicales à interroger sans se juger.
Mais la libido baisse aussi selon le contexte. Le stress, les tensions au travail, les soucis avec la famille ou les enfants, l’épuisement parental, l’insomnie, ou le sentiment de routine dans la relation peuvent faire chuter l’envie. La pandémie a d’ailleurs montré qu’en période incertaine et anxiogène, le désir se met souvent en retrait. Côté chiffres, en 2023, une grande enquête belge révélait que 42 % des femmes et 32 % des hommes accusaient une baisse notable de désir sexuel depuis le confinement.
Et puis il y a les raisons intimes, plus subtiles : l’image de soi un peu cabossée, la peur de décevoir, la difficulté à exprimer ses envies, ou tout simplement une évolution des attentes affectives. Personne n’est « anormal » d’avoir moins (ou plus) envie : l’important, c’est d’en parler sans honte.
Pour résumer, il n’y a ni « normalité » ni fatalité. Le désir, c’est vivant, ça fluctue, et c’est précisément pour ça qu’ouvrir le dialogue est précieux.
Comment préparer ce type de conversation délicate ?
Si tu sens que l’envie a changé – la tienne, celle de ton partenaire, ou les deux – c’est tentant de procrastiner la discussion, par peur de blesser ou de te prendre une remarque de travers. La clé, c’est d’abandonner la recherche de coupable. C’est pas « c’est TA faute si je n’ai plus envie », mais plutôt « il se passe quelque chose, et je veux le comprendre AVEC toi ».
Pour préparer ce moment, commence par évaluer tes propres ressentis : depuis quand tu ressens moins de désir ? Est-ce contextuel, cyclique, ou une sensation qui s’installe ? Y a-t-il des déclencheurs clairs (stress, fatigue, disputes...), des moments où tout va mieux (vacances, week-end, après une surprise ?) ? Cette introspection va t’aider à expliquer, de façon claire et sans trop d’émotion brute, ce qui se passe pour toi.
Question timing, oublie les discussions à chaud, quand une dispute vient d’éclater ou quand l’un des deux est pressé par le boulot. Choisis plutôt un moment calme, peut-être après un repas, lors d'une marche ou dans un espace neutre où personne ne se sent acculé. Le cadre peut tout changer : dans sa voiture, on se sent parfois moins exposé que face à face sur le canapé.
Prends aussi conscience que cette conversation ne règle pas tout en une seule fois. Parfois, il faut plusieurs essais. La première fois sert à « ouvrir la porte », à rassurer l’autre que l’on en parle non pas pour accuser, mais pour renforcer le lien. Explique bien que tu tiens à la relation, que tu veux avancer à deux, et que ce n’est pas une remise en question de l’amour ou de l’attirance.

Les mots et attitudes qui facilitent le dialogue
Parler baisse de désir ne veut pas dire faire un exposé froid ou balancer ses reproches. L’idée, c’est d’être sincère, sans blesser. Voici des phrases d’accroche qui peuvent désamorcer la gêne :
- « J’ai remarqué que notre intimité a changé ces derniers temps. Tu as ressenti ça aussi ? »
- « J’ai besoin de parler de quelque chose d’un peu délicat, parce que j’ai confiance en toi et en notre couple. »
- « Je me pose des questions sur mon désir, et j’aimerais comprendre ça avec toi. Tu veux qu’on en parle ? »
- « Parfois, je me sens moins disponible pour le sexe, ça m’inquiète. Est-ce que tu veux partager comment tu le vis ? »
Un point essentiel : parler de toi, de tes émotions à la première personne, sans généraliser ni juger l’autre (« je ressens… » au lieu de « tu ne fais jamais… »). Mettre du « je » apaise le dialogue car l’autre ne se sent pas attaqué. Afficher de la vulnérabilité, ça rapproche et ça montre ta volonté de construire ensemble.
Le langage corporel compte aussi. Evite de croiser les bras, de partir sur la défensive, ou de parler depuis la cuisine en préparant les repas. Privilégie un contact visuel doux, sois à l’écoute de la réaction de l’autre, accepte les silences — parfois il faut digérer l’information avant de répondre. Le toucher amical, comme une main posée sur la sienne, peut aider à maintenir une connexion émotionnelle même dans le flottement.
Ose demander un retour sincère : « Dis-moi si tu as besoin de temps pour réfléchir, ou si tu veux m’en parler plus tard. » Là encore, la sécurité émotionnelle avant tout.
Facteurs influant sur le désir sexuel | Impact (%) selon une étude IFOP 2022 |
---|---|
Fatigue et manque de sommeil | 38 % |
Stress professionnel | 33 % |
Problèmes relationnels | 27 % |
Traitements médicaux | 18 % |
Événements de vie majeurs | 15 % |
Dépasser les tabous : comment la société façonne notre rapport au désir
Si la conversation nous fait si peur, c’est aussi parce qu’on trimballe des bagages culturels autour du sexe. Depuis des générations, on met le plaisir sexuel sur un piédestal, mais on n’ose jamais parler de ce qui cloche. Nombre de séances chez le sexologue tournent autour d’une gêne héritée (« ça ne se fait pas d’en parler », « c’est un problème honteux », etc.). Il faut se souvenir que la libido n’a rien d’une compétition ni d’une faute morale.
Certains clichés persistent : l’homme serait toujours demandeur, la femme parfois distante, alors que statistiquement la baisse de désir touche autant les hommes que les femmes, et à tous les âges. Une enquête menée en 2024 par le Centre National de la Recherche en Santé Sexuelle montre que chez les couples hétéros de plus de 5 ans, 43% ont déjà vécu des périodes où l’un ou l’autre désirait moins. Le tabou bloque l’accès à la bienveillance et retarde la recherche de solutions toutes simples.
Changer les mentalités commence souvent par une information fiable : la sexualité, c’est une expérience unique, mouvante, qui suit le rythme des émotions, des hormones, de la routine et du contexte social. De grands médias comme Psychologies Magazine proposent régulièrement des dossiers et témoignages pour relancer le dialogue. S’inspirer de l’expérience d’autres couples, de podcasts comme « On s’aime ? » ou d’ouvrages spécialisés (« Les mille et une façons d’aimer », Flammarion, 2022) peut donner de précieux points de vue pour nourrir la conversation.
Et si le tabou persiste ? N’hésite pas à consulter un sexologue ou un conseiller conjugal, car parfois, être accompagné par un tiers calme les peurs et permet à chacun d’oser s’exprimer franchement. Le simple fait de franchir la porte d'un spécialiste suffit parfois à relancer la libido, selon une étude du CHU de Nantes qui note que plus de 60% des couples observent une amélioration après 3 séances de thérapie de couple.

Raviver le désir ensemble : pistes et nouvelles habitudes à explorer
Parler, c’est essentiel, mais agir ensemble peut vraiment raviver la flamme. Une baisse de désir n’est pas une fatalité : ton couple peut traverser cette étape et même en sortir grandi. Voici quelques idées concrètes, à tester sans pression :
- Planifie des temps de couple sans écran, rien que pour vous (un restau, une promenade, un atelier cuisine — ce qui fait plaisir aux deux).
- Opte pour des gestes tendres réguliers, même hors du lit : se prendre dans les bras, s’embrasser au réveil, s’envoyer un message doux dans la journée.
- Réexplore les caresses sans être obligé d’aller jusqu’à la pénétration ; les massages, le slow love, la douche à deux sont autant de moyens de recréer de la complicité physique sans pression.
- Accueille la nouveauté : un jeu érotique, des lectures à deux, ou même une soirée « on partage nos envies les plus folles » pour retrouver la surprise.
- Ose fixer des « rendez-vous intimes » : tu peux croire que ça tue la spontanéité, mais de nombreux sexologues observent le contraire – en fixant le cadre, chacun se prépare mentalement et l’envie monte doucement.
Certaines applications, comme « Ma Libido & Moi » ou « WeMoms Intimité », donnent d’ailleurs des quiz, des conseils personnalisés et des défis pour pimenter la vie de couple de façon ludique.
N’oublie pas l’importance de prendre soin de toi, sur un plan personnel. Reprendre un sport, s’accorder du temps pour méditer, retrouver des amis, redonner un élan à sa propre vie influence la libido plus qu’on ne le pense. Quand on se sent bien dans sa tête, l’attirance revient souvent naturellement.
Enfin, garde en tête que la patience est précieuse. Relancer le désir sexuel demande parfois du temps : l’essentiel, c’est d’avancer à deux rythme, sans se comparer — ni à la société, ni à vos années collège… Créez votre propre histoire, faite d’écoute, de respect et de plaisir partagé. Le plus dur, c’est souvent de lancer la première phrase. Après, c’est la complicité qui parle.