- 30 oct. 2025
- Élise Marivaux
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Le sorafénib est un médicament utilisé depuis plus de quinze ans pour traiter certains types de cancer avancés, comme le cancer du foie, du rein et de la thyroïde. Mais ce n’est pas un traitement qui guérit. Il ralentit la progression de la maladie - et cela change tout pour les patients. Ce qui compte vraiment, ce n’est pas seulement combien de temps on vit, mais comment on vit pendant ce temps. Beaucoup de gens pensent qu’un traitement anticancéreux doit éliminer la tumeur pour être utile. Le sorafénib ne fait pas ça. Il agit autrement. Et c’est précisément ce qui le rend unique.
Comment le sorafénib fonctionne vraiment
Le sorafénib appartient à une classe de médicaments appelés inhibiteurs de kinase. Il bloque plusieurs protéines que les cellules cancéreuses utilisent pour se multiplier et pour créer de nouveaux vaisseaux sanguins qui leur fournissent de l’oxygène et des nutriments. Sans ces vaisseaux, la tumeur ne peut pas grossir comme elle le voudrait. Ce n’est pas une bombe qui détruit le cancer. C’est une clé qui bloque les portes de sa croissance.
Contrairement à la chimiothérapie classique, qui attaque toutes les cellules en division rapide - y compris celles des cheveux, de la bouche ou de l’intestin - le sorafénib cible des mécanismes spécifiques aux cellules cancéreuses. Cela réduit certains effets secondaires, mais en crée d’autres, souvent plus subtils et plus difficiles à gérer.
Les effets secondaires qui affectent la vie quotidienne
Les patients prenant du sorafénib décrivent souvent une fatigue intense, bien plus profonde que celle d’une simple journée chargée. Ce n’est pas une fatigue passagère. C’est une lassitude qui reste, même après une bonne nuit de sommeil. Des études menées en 2023 sur plus de 800 patients atteints d’un cancer du foie en phase avancée ont montré que 67 % d’entre eux éprouvaient une fatigue modérée à sévère pendant les trois premiers mois de traitement.
La peau réagit aussi fortement. Des éruptions cutanées, des démangeaisons, des crevasses aux mains et aux pieds - appelées syndrome main-pied - touchent près de 50 % des patients. Ces symptômes peuvent rendre difficile de tenir une tasse, de marcher sans douleur, ou même de se brosser les dents. Certains arrêtent le traitement parce qu’ils ne peuvent plus vivre normalement.
La diarrhée est un autre problème courant. Elle n’est pas toujours sévère, mais quand elle revient plusieurs fois par jour, elle change la vie. Les sorties, les voyages, les repas en famille deviennent des calculs. Les patients apprennent à cartographier les toilettes publiques comme des cartes de trésor.
La qualité de vie : un indicateur aussi important que la survie
Les médecins mesurent souvent l’efficacité d’un traitement par la survie globale : combien de mois ou d’années le patient vit après le début du traitement. Pour le sorafénib, cette survie est en moyenne allongée de 2 à 3 mois par rapport à un placebo. Ce chiffre peut sembler faible. Mais ce n’est pas le seul critère.
Une étude publiée dans The Lancet Oncology en 2024 a suivi 450 patients sur deux ans. Elle a montré que ceux qui ont pu maintenir un traitement continu avec un bon contrôle des effets secondaires ont rapporté une qualité de vie nettement supérieure, même s’ils n’ont pas vu leur tumeur réduire. Pourquoi ? Parce qu’ils ont pu rester chez eux, continuer à voir leurs petits-enfants, faire des promenades, préparer leurs repas.
La qualité de vie n’est pas une question de sentiment. C’est une mesure concrète : peut-on se lever sans aide ? Peut-on manger sans nausées ? Peut-on dormir sans douleur ? Peut-on parler sans avoir peur de pleurer ? Le sorafénib permet à certains de répondre oui à ces questions - même si la maladie est toujours présente.
Comment les patients gèrent les effets secondaires
Il n’existe pas de solution magique, mais des stratégies simples peuvent faire une grande différence. Beaucoup de patients utilisent des crèmes à base d’urée pour atténuer les crevasses des mains et des pieds. Des chaussures souples, sans coutures, aident à réduire la pression. Des bains d’eau tiède avec du sel d’Epsom apaisent les brûlures.
Pour la fatigue, les spécialistes recommandent des activités légères, comme marcher 15 minutes par jour. Ce n’est pas pour se remettre en forme - c’est pour garder un lien avec son corps. Beaucoup disent que c’est la seule chose qui les empêche de se sentir comme des fantômes.
La nutrition est cruciale. Un patient sur trois perd du poids de manière incontrôlée. Des diététiciens spécialisés en oncologie aident à adapter les repas : petits repas fréquents, riches en protéines, sans arômes trop forts. Le goût change souvent. Ce qui était délicieux devient insipide - ou répulsif. Les patients apprennent à manger ce qui leur fait encore plaisir, même si ce n’est pas « sain ».
Le soutien psychologique n’est pas un luxe. Des groupes de parole en ligne, organisés par des associations comme « Cancer Info », permettent aux patients de partager leurs astuces, leurs peurs, leurs petits succès. Un patient a dit : « J’ai appris à ne pas me juger parce que je ne peux pas faire tout ce que je faisais avant. »
Quand le traitement devient trop lourd
Le sorafénib n’est pas fait pour tout le monde. Certains patients, surtout les plus âgés ou ceux avec d’autres maladies chroniques, ne le tolèrent pas. Les médecins surveillent de près la fonction hépatique, la pression artérielle et les niveaux de protéines dans les urines. Si les effets secondaires deviennent trop lourds, ils réduisent la dose - parfois de 400 mg à 200 mg par jour. Cela peut suffire à ralentir la maladie tout en améliorant le bien-être.
D’autres arrêtent complètement. Ce n’est pas un échec. C’est une décision éclairée. Certains préfèrent vivre quelques mois en paix, sans médicaments, plutôt que de passer leur dernière année à l’hôpital ou à se coucher en raison de la fatigue. Cette décision est souvent prise en concertation avec la famille et les soignants. Elle n’est pas facile, mais elle est légitime.
Des alternatives, mais pas meilleures
Depuis 2020, d’autres traitements sont apparus pour le cancer du foie, comme le lenvatinib ou les thérapies combinées avec des immunothérapies. Certains donnent de meilleurs résultats en termes de survie. Mais ils ne sont pas toujours plus tolérables. Le lenvatinib, par exemple, cause souvent une hypertension sévère. Les immunothérapies peuvent déclencher des réactions auto-immunes graves.
Le sorafénib reste l’un des rares traitements accessibles dans la plupart des pays, même ceux à revenu modéré. Il est générique depuis 2022, ce qui a fait chuter son prix de plus de 80 %. Cela signifie que des milliers de patients qui n’auraient jamais pu se le permettre peuvent maintenant y avoir accès.
Il n’est pas parfait. Mais il est disponible. Et il permet à des gens de vivre - pas seulement de survivre.
Le futur : mieux tolérer, mieux vivre
Des recherches sont en cours pour combiner le sorafénib avec des médicaments qui atténuent ses effets secondaires. Un essai clinique en cours à Lyon teste une association avec un complément alimentaire à base de curcumine, qui réduit l’inflammation cutanée. Les premiers résultats sont prometteurs : 30 % moins de syndrome main-pied chez les patients qui le prennent.
Des applications mobiles sont aussi en développement pour aider les patients à suivre leurs symptômes au jour le jour. Plutôt que d’attendre le prochain rendez-vous pour dire « je me sens mal », ils peuvent envoyer un signal automatique à leur équipe médicale. Cela permet d’ajuster le traitement avant que la situation ne devienne critique.
Le but n’est plus seulement de prolonger la vie. C’est de la rendre vivable. Et pour beaucoup, le sorafénib, malgré ses défauts, joue encore ce rôle.
Le sorafénib peut-il guérir le cancer ?
Non, le sorafénib ne guérit pas le cancer. Il ralentit la progression de la maladie, principalement pour les cancers du foie, du rein et de la thyroïde avancés. Son objectif n’est pas de faire disparaître la tumeur, mais de permettre aux patients de vivre plus longtemps avec une meilleure qualité de vie.
Quels sont les effets secondaires les plus gênants du sorafénib ?
Les effets secondaires les plus fréquents et les plus perturbants sont la fatigue intense, le syndrome main-pied (crevasses, douleurs aux mains et pieds), les éruptions cutanées et la diarrhée. Ces symptômes peuvent rendre les activités quotidiennes difficiles, comme marcher, manger ou dormir.
Le sorafénib est-il encore utilisé aujourd’hui ?
Oui, il est toujours utilisé, notamment dans les pays où les traitements plus récents sont trop chers ou indisponibles. Depuis 2022, il est disponible en version générique, ce qui en fait un traitement accessible pour un grand nombre de patients dans le monde.
Peut-on arrêter le sorafénib si les effets secondaires sont trop forts ?
Oui, les médecins peuvent réduire la dose ou arrêter le traitement si les effets secondaires affectent trop la qualité de vie. Cette décision est prise en concertation avec le patient. Il n’y a pas de honte à choisir de privilégier le bien-être plutôt que de prolonger la vie à tout prix.
Le sorafénib est-il plus efficace que la chimiothérapie ?
Pour les cancers ciblés (foie, rein, thyroïde), le sorafénib est souvent plus efficace que la chimiothérapie classique en termes de survie et de tolérance. Il agit de manière plus ciblée, ce qui réduit certains effets secondaires comme la perte de cheveux ou les nausées sévères. Mais il n’est pas adapté à tous les types de cancer.